après JPJ et la Lotus noire…
Avec Romain Grosjean, initiales RG, placé dans le second baquet Lotus, le jeu de mots était trop tentant.
J’avais fait part dès avant la signature de Kimi Räikkönen avec LRGP de ma joie à la perspective de voir le champion du monde 2007 de retour en F1. Je suis d’autant plus ravi de son arrivée chez Lotus que cette marque représente pour moi un des mythes les plus extraordinaires de l’histoire de la course automobile avec McLaren, Cobra, BMW, Alfa Roméo, Maserati, Ford, Gordini, Alpine, Porsche…
Un Franco-Suisse au volant d’une Lotus noire (et or)
Les grands médias ont abondamment commenté l’arrivée du Franco-Suisse Romain Grosjean dans le deuxième baquet Lotus. Tous ou presque ont oublié qu’un pilote français dans une Lotus noire (et or), ce ne sera pas une première.
Une telle association s’est déjà vue dans le passé. Il faut remonter à 1978, à Watkins Glen et au Canada. Le Français, c’était Jean-Pierre Jarier, Godasse de plomb. Il avait signé le record du tour à Watkins Glen et il mena la course au Canada jusqu’à ce qu’une fuite d’huile le contraigne à l’abandon. Lors de ces deux dernières courses de la saison, JPJ faisait équipe avec un champion du monde (le nouveau champion du monde 1978), Mario Andretti.
L’arrivée de Jean-Pierre Jarier chez Lotus s’était déroulée il est vrai dans des conditions dramatiques. Il remplaçait Ronnie Peterson qui avait trouvé la mort au GP de Monza. Cette année-là, les Lotus avaient dominé le championnat. Mario Andretti et Ronnie Peterson occupaient respectivement les première et deuxième places du championnat avec leurs révolutionnaires Lotus 79, les premières monoplaces à utiliser pleinement l’effet de sol.
Petrov dindon de la farce ?
Impossible de ne pas céder à la gourmandise des jeux de mots gastronomiques pour qualifier les recettes indigestes qui valent à Vitaly Petrov de se retrouver chocolat à cause de la cuisine sauce aigre-douce mijotée par Boullier.
Autant vous l’avouer, je trouve que l’éviction de Vitaly Petrov, c’est fort de café. Vitaly n’a pas démérité chez LRGP, loin s’en faut. Le Russe est un pilote atypique, loin du formatage imposé par les Masterchefs de la F1 d’aujourd’hui. J’aurais été ravi de voir Kimi et Vitaly, les deux hommes venus du froid, apporter leur crème glacée en dessert de quelques Grands-Prix. Car n’oublions pas que si Vitaly est russe, il est né à proximité de la frontière finlandaise et jouit du caractère froid, calme, digne et réservé des Finlandais.
Je ne vais sans doute pas me faire bien voir par certains supporters français et suisses en écrivant ça, mais j’aurais préféré voir Vitaly conserver son baquet Lotus et Romain signer chez Caterham ou HRT. En évinçant Petrov, Boullier a montré qu’un contrat en F1, c’était du flan. Mépriser les contrats relève de la trahison des engagements. Une très mauvaise cuisine. Or le sport est supposé servir d’exemple, notamment aux jeunes qui cherchent des repères dans une société tourmentée par le doute et la crise. Envoyer à la face du monde l’exemple des petits arrangements entre amis relève des fautes de conduite qui se terminent pas des dérapages incontrôlés. Des recettes ratées. Et ces accidents dégoûtent le public de tout, des casseroles, de la politique, du sport, du mérite et du travail. En faisant opportunément de Boullier son agent par le biais de son contrat avec Gravity Sport Management, structure contrôlée par ledit Bouillier, Grosjean qui est un excellent cuisiner (cf. les références en fin de note) s’était à peu près assuré de tirer les marrons du feu. Nous ne saurions lui reprocher d’avoir défendu son bifteck. L’intégrer au team LRGP assurait à Boullier, l’agent aussi directeur de team, de prendre sa part du gâteau au passage. Briatore savait très bien cultiver l’oseille en arrosant sa plantation de pilotes avec le beurre du team qu’il dirigeait. Il suffisait de l’imiter. C’est humain.
Ceci dit, Grosjean mérite d’accéder à la F1. C’est un pilote relevé qu’on ne pourrait accuser d’être sans saveur ni odeur. Lors de son arrivée en cours de saison 2009 chez Renault, il réalisa à son tout premier Grand-Prix un meilleur tour en course que son équipier Alonso, pourtant soigné aux petits oignons par l’équipe. Lors des semaines qui suivirent, Romain ne perçut pas les fruits de sa performance. A cette époque, les choses tournaient au vinaigre chez Renault. Le couvercle de la cocote minute avait sauté. Le scandale du Crashgate ébouillantait l’écurie Renault. Le Crashgate, c’était une course truquée en 2008 grâce à un accident provoqué volontairement par Piquet jr juste après un ravitaillement prématuré d’Alonso. A force de se faire battre comme de la pâte à pizza par le pizzaïolo de service, Nelson accepta de faire une omelette au losange en cassant des œufs pas très frais. La stratégie mise au point par la brigade des cuisiniers Renault permit à Alonso, parti en fond de grille, de revenir sur le peloton des autres entassés derrière la voiture de sécurité pour bien les rouler dans la farine. A cette époque, les concurrents ne pouvaient pas ravitailler sous régime de voiture de sécurité. Donc, ils durent tous s’arrêter après que la voiture de sécurité se fût effacée. Alonso mit la main dans le pot de confiture et se trouva en tête de la course sur une piste où il était très difficile de doubler. La surprise du chef Briatore ! Le tour de main de prestidigitateurs qui avaient servi la soupe au public et aux critiques gastronomiques de la F1 sans qu’aucun ne dénonce les ingrédients empoisonnés ayant servi à mijoter cette victoire à l’arrière-goût de soufre. Lorsque Piquet fut balancé à la poubelle par Briatore durant l’été 2009 et que Grosjean commença son apprentissage en cuisine, le Brésilien se mit à table et dévoila une partie de la recette de son ex chef de cuisine. L’affaire fit souffler sur le petit monde de la F1 un vent de tempête qu’on aurait cru de nature à décorner la femme d’un ex patron du FMI. Mais pas bien longtemps. La tempête se cantonna à un souffle sur un verre d’eau. Un subtil cocktail d’avocats et de vieux crabes rattrapa la sauce briatorienne. Seul Piquet jr fut cuit, grillé à jamais dans le monde de la course auto. La brochette des principaux bénéficiaires du Crashgate n’eut pas à régler une addition bien salée. Ils ne rougirent pas comme des tomates à la révélation des faits. Ils conservèrent le melon et continuèrent à faire les cakes. Nul doute que le pizzaïolo Briatore retrouvera très vite la direction d’un des grands restaurants de la planète F1. Après s’être éclipsé provisoirement par la sortie de service, il reviendra par la grande porte sans avoir besoin de passer par la fenêtre. La banque alimentaire de Briatore, elle ne poursuit pas les mêmes objectifs que les restos du cœur.
Il n’empêche qu’à l’automne 2009, avant que la FIA n’avale sans s’étouffer le plat de couleuvres mijoté par Briatore, Romain se trouvait membre d’un team dont le droit de continuer à courir et l’avenir restaient fort incertains. Après les débuts encourageants de Grosjean, Renault ne lui servit jamais plus un matériel correct. Lors de certains GP, nous pourrions presque parler de voiture non roulante, ou en tout cas « non freinante ». Son équipier avait la meilleure part. Lui ne trouvait dans sa gamelle que des restes immangeables. Il ne fit pourtant pas de salades. Fin 2009, Grosjean fut mis au placard. Ses déboires avaient nourri la gloire de son équipier dans la mesure où les journalistes qui mettaient leurs médias au service de la promotion de l’Espagnol vantaient la différence de performances entre les deux pilotes Renault en taisant les problèmes techniques systématiques sur celle de Romain. Le grand restaurant étoilé de la F1 est un parc de requins… Les convives n’y font qu’une bouchée des perdreaux de l’année. Romain n’en fit pas un fromage. Renault et ses partenaires lui devaient bien un renvoi d’ascenseur. Il se remit au piano de la cuisine automobile, certain que le plat repasserait une deuxième fois. C’est chose faite aujourd’hui.
J’avoue avoir espéré que le formidable vecteur médiatique que représente Vitaly Petrov auprès de la Russie et de l’Est de l’Europe dissuaderait Boullier de le retirer du menu Lotus. Cela n’aura malheureusement pas suffi. Il faut reconnaître qu’au plan médiatique, Romain a aussi des arguments à faire valoir. Le Franco-Suisse est le compagnon de Marion Jollès, élue plus belle femme du paddock en 2010. Romain bénéficiera donc d’un traitement très favorable sur TF1. Un avantage non négligeable, y compris pour Total. Tous les téléspectateurs auront remarqué l’adresse avec laquelle Jean-Louis Moncet sait mettre en valeur ses pilotes préférés sur cette chaine tout en dénigrant avec insistance ceux qu’il souhaite écarter de baquets ou de la discipline. Du grand art qui laisse penser que ce faiseur de recettes gagnerait à mettre son tour de main au service exclusif de la communication pure et du lobbying plutôt que du journalisme, profession parfois frustrante, notamment – la plupart des journalistes confirmeront – parce qu’elle ne permet pas d’engranger assez de blé pour la retraite.
2012, bonnes nouvelles et attentes
Espérons que la salade sauce Boulier ne gâche pas la carrière de Petrov. Rapide, combattif, commettant désormais peu de fautes, Vitaly s’est montré performant en 2011. Il a concrétisé ses progrès en signant un podium. Et si le dernier baquet Williams, c’était pour lui ? Ce serait une bonne nouvelle.
L’excellente nouvelle de ces derniers jours dans la valse des baquets musicaux, c’est la titularisation de Nico Hülkenberg chez Force India. Champion GP2 2009, Nico a débuté en F1 chez Williams en 2010. Il y a fait une saison plus qu’honorable, montré son sérieux et sa combativité, et terminé la saison en fanfare en signant la pole position au Brésil sur une piste humide. Un authentique exploit au volant d’une voiture modeste. La F1 étant cruelle et ingrate, il s’est tout de même fait pousser dehors et a dû se contenter d’un baquet de troisième pilote chez Force India en 2011. « Nico, nous l’avons perçu comme une star naissante à la fin de l’année 2010 et choisi de l’évaluer en cours de saison 2011, témoigne Vjay Mallya. Malgré le peu de temps qu’il a passé dans la voiture, il nous a convaincus ». Après une ou deux saisons chez Force India, pourquoi ne pas espérer Nico (Hülkenberg) rejoignant l’autre Nico (Rosberg) chez Mercedes après la vraie retraite de Schumi ? Les deux Nico dans un même team, ça aurait de la gueule.
Tout comme dans deux ou trois ans une Scuderia Ferrari composée de Sergio Perez, révélation de la saison 2011, et de notre Français Jules Bianchi.
En attendant, réjouissons-nous de voir deux autres Français arriver en F1, Charles Pic, le protégé d’Olivier Panis, et Jean-Éric Vergne. Puisse Jean-Karl Vernay les y rejoindre bientôt en attendant les jeunes pousses qui se battent dans les formules de promotions voire sur les pistes de kart, les Paul-Loup Chatin, Aurélien Panis, Pierre Gasly et d’autres encore, des jeunes motivés à mille pour cent qui rêvent qu’un jour sûrement, ils gagneront des GP et se battront pour le titre.
QUELQUES LIENS A SUIVRE
J’ai déjà évoqué Romain Grosjean sur Circuit Mortel, sous l’angle de ses talents de fin cuisinier
http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2010/02/10/pilote-et-fin-gourmet.html
et
Un autre scénario d’Hergé, avec Talbot dans le premier rôle http://polarssportsetlegendes.over-blog.com/article-quand-talbot-roulait-pour-tintin-88675734.html
Des petites histoires de Lotus Elan
et
http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2009/07/10/coup-de-cœur-pour-la-lotus-elan.html
Un pastiche d’histoire de Lotus, Sintin et la Lotus bleue, http://www.leopardmasque.com/nos-collections/la-lotus-bleue.html
Des hommages à Elio de Angelis et Ayrton Senna, qui furent aussi les pilotes de Lotus noires et or
et
http://confidentielpaddocks.over-blog.com/article-1994-the-rain-man-is-gone-49517813.html
Thierry Le Bras